Déclaration de principes (1953)

1. Nature de l’organisation

L’organisation spécifique des militants du communisme libertaire se considère l’avant-garde, la minorité consciente et agissante exprimant dans son idéologie et son action les aspirations du prolétariat, c’est-à-dire de la classe exploitée, oppriméee, aliénée, limitée à des tâches d’exécution, écartée de la propriété des moyens de production et de toute fonction de gestion, ne pouvant vendre sa force de travail.

L’organisation spécifique tend à donner au prolétariat et aux masses populaires plus larges comprenant les paysans pauvres, les artisans réduits à la misère, etc..., la pleine conscience de sa situation et de ses aspirations, afin que les masses ralliant la minorité, la révolution soit rendue possible pour édifier la société communiste libertaire.

2. Buts

Le but est le Communime libertaire, dont les caractères essentiels sont :
— la liquidation de l’opposition entre les dirigeants et les exécutants, donc de la propriété privée des moyens de production et de répartition et de pouvoir politique d’une minorité ou Etat, donc réalisation de la société sans classes ;
— la gestion de tous les rouages de la société sur tous les plans (économiques, politique) par des organismes de masses fédérés ;
— la réalisation de l’égalité économique ou plus exactement de l’équivalence des conditions, vers la réalisation de l’idéal du communisme : « de chacun selon ses moyens, à chacun selons ses besoins » ;
— la possibilité d’un développement continu de l’Homme dans une société sans classes en perpétuelle évolution.

3. Moyens

L’organisation spécifique communiste libertaire est attachée aux luttes présentes des masses exploitées et opprimées, mais toujours dans le sens de l’action directe et dans la mesure où ces luttes peuvent être orientées contre le capitalisme et l’Etat, et contribuer à développer la conscience révolutionnaire des masses.

Mais le passage de la société de classes à la société communiste sans classes ne peut être réalisée que par la Révolution, par l’acte révolutionnaire brisant et liquidant tous les aspects du pouvoir, de plus en plus unifié (pouvoir politique, économique, culturel) de la classe dominante.

La révolution n’est possible que dans certaines conditions objectives (crise finale permanente ; agonie du régime de classes) et lorsque les masses, orientées et rendues de plus en plus conscientes de la nécessité révolutionnaire par l’organisation communiste libertaire, sont devenues capables de réaliser la liquidation de la structure de classes.

L’acte révolutionnaire, par le pouvoir direct des masses, détruit immédiatement les bases de la société de classes :

1) par la collectivisation ou la coopération (selon les possibilités) des moyens de production et de répartition ;

2) par la gestion de l’économique et l’administration du social par les organismes de masses : communes, conseils, syndicats, coopératives, se fédérant, et dont les délégués et comités de coordination, à tous les échelons élus et révocables à tous moment et mandatés pour des tâches précises et limitées, ne disposant pas d’appareil de corecition, remplacent ainsi la bureaucratie de la société de classes, spécialisée, hiérarchisée, privilégiée et disposant de forces coercitives.

3) par le pouvoir du peuple en armes : milices contrôlées par les organismes réguliers de la société, communes, conseils, etc... et remplaçant l’armée et la police séparées du peuple et soumises à l’arbitraire d’un pouvoir d’Etat ou constituant ce pouvoir.

Les techniciens sur tous les plans (social, économique, militaire) ne disposent d’aucun privilège, d’aucune autorité autre que leur autorité technique.

Les délégués et comités sur tous les plans ne peuvent que mettre en application les décisions et plans établis par les cellules de base et mis au point dans les assemblées et congrès.

La Révolution réalise donc la démocratie et la liberté véritables.

En se libérant, les masses libèrent la société toute entière, réalisant la société dans laquelle l’homme peut se développer indéfiniment.

4. Principes internes

L’organisation spécifique communiste libertaire repose sur les principes internes suivants, dont les Statuts sont l’application pratique :
— Unité idéologique sur la base de la présente déclaration de principes.
— Unité de programme et unité de tactique définis par les congrès et référenda, la position majoritaire étant l’expression de l’organisation à défaut d’unanimité.
— Action collective dans le respect des décisions prises dans les assemblées, congrès et consultations statutaires de l’organisation.
— Fédéralisme : c’est-à-dire démocratie directe interne intégrale assurant à tous les militants l’expression au sein de l’organisation sur la base des principes définis ci-dessus.

Résolution du congrés de Paris (23-25 mai 1953), publiée dans Le Lien, n°1, juin 1953, reproduite en annexe du livre de Georges Fontenis, L’Autre communisme..., op. cit., p. 314-316.